Ce n'est toujours pas toi [pv Olwé]

Ce matin là, comme à son habitude, Isïdore se levait de bonne heure, frais et dispo, prêt à en mesure de. Dans un étirement matinal il bailla à s'en décrocher la machoîre. Voulant se diriger vers l'avant, il s'interrompit, voyant près de ses fines pattes antérieures, des traces de pas. Ce ne pouvait absolument point être les siennes vu qu'il était arrivé par derrière. Plein d'espoir il les renifla, mais releva rapidement sa tête, les oreilles basses, sans conviction. Depuis qu'il était sur ces terres étranges il la sentait, cette présence, si familière et affectueuse, celle de sa petite soeur.

- Argawen... Tu n'es plus là, je ne te reverrais sans doutes jamais, et pourtant je sens ta présence, là, près de moi.

Il murmurra tout bas ces mots de détresse puis effrayé, vérifia que personne n'était derrière lui, ou bien aux alentours. Le jeune guépard désespéré fixa le ciel bleuâtre, pourvu de quelques cumulus courageux. Ils n'avaient pas l'air très dangereux. Il ne pleuvrait donc pas aujourd'hui. Son ventre se mit à gargouiller. Il se mit en chasse mais... Ne trouva qu'un simple lièvre. Avant de le tuer, il s'entraîna sur lui. Il entraînait son pouvoir sur ses proies afin de ne tuer personne d'important, de toutes façons, le lièvre mourrait alors que faisait-il de mal ? Absolument rien. Il vit que hier il avait échappé à une jeune guéparde, pas très maligne à première vue. Puis, son pouvoir le ramenait trois jours auparavant. Sa proie avait à vrai dire une vie simple et peu remplie. Il fut heureux de ne point l'avoir tué et l'acheva d'un coup de crocs dans la nuque, avant de s'abriter et de s'allonger, pour le manger.

Chaque pas que le Rain faisait l'attirer vers cet endroit, où le paysage était onirique. Chaque pas qu'il faisait le rapprochait du lieu dit du "Cerisier en Paix". Ce besoin inconscient de voir cet arbre et de s'y reposer prenait souvent le guépard, à divers moments. Parfois, la nuit, il s'y rendait en cachette pour observer les feuilles bouger au rythme du vent. D'autre fois, de jour, il s'éclipsait pour rêvasser à l'ombre du grand tronc. Et aujourd'hui, il avancait juste pour le plaisir de sentir l'herbe sous ses fines pattes.
Arriver à quelques pieds du Cerisier, Olwé s'arrêta, aux aguets. Du bruit était parvenu à ses oreilles, le faisant s'interroger sur la personne présente. Si il s'agissait de membre de son clan, il ne s'en formaliserai pas. Si ce n'était pas le cas, et bien...Advienne que pourra!
Sentant l'air, écoutant le vent et observant les alentours, le Conseiller finit par remarquer un jeune guépard, pas si loin, en train de s'amuser avec un lièvre. Du moins, c'est la première impression qu'il eut. Mais quand le félin donna le coup de grâce à sa proie, Olwé finit par douter. On ne jouait pas ainsi avec un animal, pour ensuite le tuer d'un simple coup de dent. C'était illogique. Donc, le jeunot ne jouait pas. Il devait s'entrainer, tester quelque chose...
S'approchant prudemment, un pas après l'autre, le Guépard continua à sentir l'air, jusqu'à être persuadé que le petit ne lui vaudrait aucun ennuis. Il s'agissait d'un Rains aussi.
Oubliant alors la prudence, le fauve s'assis à une distance de queue de son accolyte, et prit la parole d'une voix grave mais douce, où percait une légère curiosité.

"Que faisais-tu avec ce lapin?"

Observant l'animal au coup tranché, puis son chasseur, Olwé chercha dans ses souvenirs le nom de celui qui était près de lui. Avec un leger effort, un nom finit par s'imposer à lui.

"Isïdore...?"

Il n'était pas sûre, quoique convaincu de ne pas se tromper. Et puis, il était le Grand Olwé, il ne se trompait jamais! Non, pas de doutes. Il avait bien, en face de lui, Isïdore. Personne d'autre.

Le vent faible tournant vers le jeune fauve tacheté, Isïdore renifla, huma l'air et perçut une odeur. Celle d'un autre guépard. D'abord sur la défensive, il put comprendre qu'il était du clan des Rains. Il le laissa approcher et lâcha le lapin, par politesse. A sa question, il répondit, assez confus :

- J'entraînais mon pouvoir.

Lorsque l'inconnu lui l'appela par son nom, Isïdore eut des doutes sur lui. L'échine dressée à son point le plus haut, il répondit :

-Oui.

S'interrompant quelques secondes, il reprit de plus belle :

-Comment peux-tu connaître mon nom. Je ne t'ai jamais parlé auparavant que je saches.

Brièvement il leva la tête pour humer une fois de plus l'air, puis la baissa, très bas, jusqu'à ce que même Olwé ne puisse voir ses yeux. Ses yeux... Qui pleuraient, qui pleuraient son désespoir à la terre. Lorsque les gouttes touchèrent le sol, sans relever la tête, il dirigea ses yeux vers Olwé. L'avait-il remarqué ? Un vent brusque vint s'engouffrer dans son pelage fin, mais il ne bougea pas. Il s'en contre-fichait totalement.

Le félin, ayant interroger le jeune qui avait, d'après lui, un comportement anormal, écouta avec attention la réponse de Isïdore. Ce dernier prétendait entrainer son pouvoir...Il était possible que ce soit le cas, aussi le Conseiller Rains laissa-t-il tomber ses interrogations sur le sujet. Il y avait plus important à penser.
Satisfait, donc, de cette réponse, Olwé détourna un instant la tête pour observer autour de lui. Cet endroit était magnifique, il n'y avait pas à dire! Et ce cerisier, qui le faisait rêvasser et frissonner...Un tel arbre était unique, et merveilleux. Les guépards devaient être fiers d'en avoir un semblable à proximité de leurs terres.
Soudain rappelé à la réalité par une question de son interlocuteur, le Rains dut se concentrer quelques secondes pour se souvenir de la question. Et ceci fait, la réponse franchit naturellement ses lèvres:

''Le Conseiller Rains se doit de connaitre tout les membres de son clan.''

Une réponse brève, claire et précise comme il les aimait. Inutile de bavarder des heures durant pour clarifier une question aussi simple. Cela aurait été une perte de temps et un manque d'intelligence.
Mais avant que le guépard n'aie terminer sa phrase, il vit l'autre Rains baisser la tête, sans comprendre pourquoi. La raison d'un tel acte lui échappa complètement, et malgré toutes les hypothèses qui lui passèrent par la tête, il ne parvint à trouver une solution qui lui convienne. Mais jugeant qu'interroger le félin sur ce baissement soudain de tête était impolis, Olwé fit mine de n'avoir rien remarqué. Surtout quand son regard tomba sur quelques gouttes tombées sur le sol, sous la tête du jeunot...

''Commences-tu à comprendre ton pouvoir?''

Quand l'atmosphère devient opressante, il est bien de changer de sujet. Et c'est ce qu'il fit. Il retourna à la discution qui avait lieu quelques secondes auparavant, et qui d'après lui n'était pas finie. Il désirait savoir où Isïdore en était. Il désirait connaitre l'étendue des pouvoirs de ce dernier. Pour connaitre ainsi sa valeur pour le clan, son utilité.